je cherchais un truc sur le site de Marianne et voilà sur quoi je tombe!!non mais complètement déjanté le gars!!!! le pire c'est qu'il soulève un problème de taille qui concerne tout le monde!!!
Le mystère de la petite cuiller
Où passent les petites cuillers? Ne me dites pas que vous ne vous posez pas la question. Ou alors c'est que vous avez un truc. Que toutes vos petites cuillers sont attachées ensemble, par exemple. Ce qui fait que vous ne les perdez pas. Ou alors en bloc, d'un seul coup. Et là, tout de même, ça se remarque. Cela dit, franchement, ça m'étonnerait de votre part, le coup des petites cuillers attachées ensemble. Depuis que j'existe (soit un paquet d'années), je n'ai encore jamais vu ça. Nulle part. Revenons donc au point de départ: où passent les petites cuillers? Car les petites cuillers disparaissent. C'est là un fait scientifique, objectif, parfaitement observable et vérifiable. On ne s'en aperçoit pas tout de suite, notez bien. Il faudrait qu'elles disparaissent à plusieurs, dix d'un coup. Or, les petites cuillers sont loin d'être bêtes. Elles se font la malle en douceur, sournoisement, subrepticement, une par une. Ce qui fait qu'on n'y voit que du bleu. Et puis, un jour, on ouvre le tiroir et l'évidence s'impose, massive, monstrueuse: il manque des petites cuillers. Pas juste une, pas juste deux. Plusieurs. Du coup, on ouvre le tiroir en grand, pour fouiller dans tous les recoins, au cas où elles seraient mélangées avec les cuillers à soupe, les fourchettes, les couteaux. Voire avec tous les ustensiles qui traînent dans le tiroir, tire-bouchon, ouvre-boîte, presse-purée, presse-ail, couteau à pain, cuillers en bois, spatules, ciseaux, couteau à huîtres, pelote de ficelle, tout le bordel qu'on entasse dans un tiroir. Je t'en fiche! Pas la moindre petite cuiller! La conclusion s'impose: elles ont bel et bien disparu.
Où? Comment? Pourquoi? De ces trois questions, la plus taraudante est la troisième. Car elle nous touche au coeur: pourquoi les petites cuillers nous quittent-elles? Qu'est-ce qu'on leur a fait? Qu'est-ce qu'elles ont à nous reprocher? Personnellement, je ne vois pas. Honnêtement, sincèrement, je crois avoir à leur égard un comportement parfaitement irréprochable, en tout cas le genre de comportement que toute petite cuiller est en droit d'attendre d'un utilisateur de petite cuiller. Et pourtant, elles s'en vont. Elles me quittent. Pour toujours (car il est extrêmement rare qu'on retrouve une petite cuiller ayant fugué, même si on met la police sur le coup). Essayons maintenant de répondre à la première question (et à la deuxième, par la même occasion): où vont-elles? L'hypothèse la plus probable, la plus communément admise est assez simple: dans la poubelle. En effet, la petite cuiller est extrêmement douée pour se cacher au milieu des épluchures de pomme, des croûtes de fromage ou des arêtes de poisson (entre autres). Hop, ni vu ni connu: direct dans la poubelle, avec tout le reste. Et, de là, dans la grande poubelle de l'immeuble. Elle-même vidée dans le camion-poubelle. Lui-même se déversant à la déchetterie ou dans je ne sais trop quel centre de tri. Là, en tout cas, où on entend les petites cuillers s'écrier: à nous la liberté! A nous la belle vie!
Reste une mitre hypothèse qui, quoique nettement moins plausible, scientifiquement s'entend, a, je l'avoue, toutes mes faveurs: la petite cuiller s'évapore. Elle se dématérialise. Elle se désincarné. Elle se télétransporte. Hop, comme ça. Juste pour nous embêter. Bien entendu, je n'ai aucune preuve. Mais le coup de la poubelle est tout de même trop simple. Beaucoup trop simple! Bon, une fois, d'accord. On vide l'assiette sans faire attention, ça arrive à tout le monde, d'accord. Mais pas 20 fois! Pas 30 fois! On n'est pas maladroits ni distraits à ce point, tout de même! Même moi! C'est pourquoi je suis intimement persuadé que les petites cuillers disparaissent vraiment. On ouvre le tiroir le matin: 25 petites cuillers. On le rouvre le soir: 24. L'une d'elles s'est évaporée. Pschit!
Attendez, je ne compte pas non plus mes petites Cuillers tOUS les jours, matin et soir, je ne suis pas complètement malade. Je dis ça à vue de nez. A la louche. Je vois bien que le tas diminue. Et quand je mets le couvert, je vois bien qu'il en manque. Je ne dis pas autre chose, n'allez pas me faire passer pour un obsessionnel du comptage de petites cuillers. J'ai autre chose à faire dans la vie, merci bien. Mais ne me dites pas que ça ne vous arrive pas, à vous, je ne vous croirais pas. La disparition des petites cuillers dans les cuisines françaises (pour ne pas parler du reste du monde) est un phénomène massif, général, transgénérationnel, touchant aussi bien les villes que les campagnes. Et personne n'en parle!
C'est comme le mystère des boîtes Tupperware. vous avez d'un côté les boites. D'un autre côtelés couvercles. Chaque boîte a son couvercle, comme quoi le monde est bien fait. Un jour, vous avez besoin d'une boîte. Vous ouvrez le placard. Vous sortez la boîte qu'il vous faut (une grande ou une petite, une ronde ou une carrée, une large ou une étroite). Et vous cherchez le couvercle qui va avec. Eh bien, une fois sur deux, impossible de mettre la main sur ce foutu couvercle. Ou bien celui que vous trouvez est trop grand pour la boîte. Ou bien il est trop petit. De toute façon, il ne va pas. Du coup, vous sortez toutes les boîtes et tous les couvercles du placard. Et vous les étalez sur le carrelage de votre cuisine. Méthodiquement, vous essayez les boîtes et les couvercles, pour voir ce qui va avec quoi.
A ce moment-là, quelqu'un entre dans la cuisine et vous demande ce qui se passe, d'un air un peu inquiet. D'autant plus que vous parlez tout seul, en insultant les boîtes et les couvercles. Puis, se penchant, il vous dit: tiens, ce ne serait pas une petite cuiller, là, dans la boîte Tupperware?
Samedi 22 Novembre 2008 - 00:00
ALAIN REMOND